[1pàlf] Écrire une nouvelle : la méthode (partie 1)


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Bonjour,

il y a 8 jours, je travaillais avec 6 auteurs sur la méthode d'écriture de la nouvelle.

La nouvelle, telle que je la définis, c'est une histoire courte, qui n'a pas besoin de se contraindre dans des règles trop étriquées comme "avoir une chute" ou "peu de personnages".

La seule règle, qui est purement mécanique, c'est que pour faire un texte court, il faut un nœud d'histoire simple. Juste parce que plus le nœud de l'histoire est compliqué, plus il faut de temps pour le présenter et le dénouer.

C'est assez logique, mais c'est difficile de faire simple. Très vite nos cerveaux essaient de compliquer les histoires de crainte que "simple" ne soit pas intéressant.

Ce qui fait l'intérêt d'une histoire, c'est un sujet qui prendrait des heures et des heures à explorer sans que l'on ne parvienne à l'épuiser mais une chose est sûre : ce n'est ni sa complexité, ni sa longueur.

Sinon, toutes les histoires compliquées et longues seraient passionnantes. Or, nous avons tous en tête des histoires terriblement prise de tête et ennuyantes à cause de leur manque de simplicité et de leur tendance à s'étaler.

Vous pouvez tout de suite oublier l'idée qu'il faut compliquer les choses pour les rendre dignes d'intérêt.

Au contraire, plus vous faites simple pour vous vous donnez les moyens d'écrire avec clarté. Et croyez-moi, écrire avec clarté, même une histoire simple, c'est déjà bien assez difficile comme ça !

Forts de cette définition, sur quoi avons-nous travaillé ce weekend ?

J'entre toujours dans un stage avec cette attention : je suis là pour m'adapter à ce dont les auteurs présents ont besoin, pas pour imposer une matière que j'aurais choisie arbitrairement.

J'ai assez écrit d'histoires pour savoir qu'on peut entrer dans un projet par plein de portes différentes, et que celles-ci dépendent davantage du projet que de l'auteur. Je pensais qu'on parlerait personnages et décors, on a surtout parlé construction de scènes et passage de l'imaginaire à la page.

Passer de l'idée que vous vous faites d'une histoire à sa réalisation sur le papier, c'est l'acte le plus décisif et le plus difficile du travail créatif.

Dans notre esprit, toutes les versions possibles de l'histoire existent. Nous pouvons changer les détails, ne pas les définir, rester très générique et avoir la sensation que notre idée fonctionne.

Sur le papier ou sur l'écran, il n'existe qu'une seule version de notre idée. Celle que matérialisent les mots que nous avons choisis. Cette version donne une image unique de l'idée, que celle-ci se traduise dans une scène, une action, une réplique, une intrigue, l'attitude d'un personnage ou n'importe quel autre aspect du texte.

Nous avons vite fait de fantasmer une version idéalisée de notre idée et pour cette raison, il est essentiel que nous passions rapidement à la réalisation.

Quand le texte est sur la page, il peut ne pas nous plaire, il peut manquer de densité ou de profondeur, il peut être maladroit, incomplet, mais au moins, il existe. Un texte, nous pouvons l'annoter, le raturer, le surligner, le réagencer, l'analyser, le corriger...

L'idée qui est dans notre tête, nous pouvons seulement la faire enfler ou la contraindre.

Alors la première étape de tout projet, c'est de décider d'une porte d'entrée et de se mettre à écrire.

Cette porte d'entrée peut être un personnage, un concept, un décor, un univers, une intrigue, une fin, un milieu, un début, une scène forte, une relation entre des personnages, une transformation.

Il n'y a pas une bonne manière de commencer, il n'y a que l'acte de commencer.

Le plus récent projet auquel j'ai collaboré a commencé par un échange de réflexions personnelles autour du sujet autour duquel nous voulions écrire. De là est née une envie d'univers, puis, dans l'écriture, deux personnages. L'intrigue a découlé des personnages.

Bloom, que j'ai écrit en résidence à Rochefort au printemps, est né de la rencontre entre mon expérience sensible d'une exposition et d'une ville et l'envie d'explorer différentes formes textuelles (le fragment, le journal et la microfiction).

Le seul point commun méthodologique entre tous les livres que vous avez lus c'est qu'une personne a décidé de poser des mots sur une page.

Le reste vient après.

Choisissez un point d'entrée, à partir de ce qui vous intrigue ou vous excite, à partir de ce qui est mûr ou de ce que vous avez besoin de mûrir :

  • un concept
  • un personnage
  • un décor
  • un univers
  • une histoire
  • une scène
  • une transformation
  • un problème vécu par un personnage
  • une fin
  • un début
  • une phrase dont la sonorité vous plaît
  • un rêve
  • ...

Quand je travaille en atelier, pour éviter le vertige du choix, je propose trois options seulement :

  • personnage,
  • décor ou
  • intrigue

Ce sont les trois ingrédients de base de n'importe quelle nouvelle

La proportion dans laquelle chacun est présent fera varier l'expérience du texte, mais tous seront présents.

La langue (le style, le rythme) viendra en second, quand le contenu sera posé.

Alors écrivez. 5 à 10 minutes sur l'un de ces trois axes. Pour vous échauffer. Sans lever le stylo pour réfléchir. Votre main sait déjà où elle veut aller, faites lui confiance. Laissez votre mental se reposer.

C'est fait ?

C'est l'étape la plus importante de la méthode. Si vous perdez le fil, si vous oubliez d'écrire, si vous ne savez plus où emmener votre histoire, revenez à cette étape, elle vous reconnectera avec votre projet.

À partir de ce premier texte, extrayez une envie d'histoire.

Dans ce que vous avez écrit, dans ce qui est apparu sur le papier comme dans ce qui manque, qu'est-ce qui vous attire ? Qu'avez-vous envie de créer ? Dans quelle histoire voulez-vous nous embarquer ?

Imaginez que vous ne puissiez nous montrer cette histoire qu'en 5 moments.

5 étapes, 5 scènes qui, mises bout à bout suffisent à nous raconter l'histoire.

Listez-les.

Quand vous aurez vos 5 étapes, vous aurez le cadre de vos 5 scènes, et il ne vous restera plus qu'à les écrire pour avoir votre première version de nouvelle.

Cinq c'est à la fois peu et beaucoup.

Cela permet de déployer une transformation complète et en même temps cela oblige à éliminer le superflu.

Vous vous rendez vite compte si votre histoire se répète, si elle peine à progresser, si elle tombe dans le syndrome du "ventre mou", si la fin laisse à désirer.

Parce que cinq étapes, ça ressemble à ça :

  • Présentation de l'héroïne
  • Présentation de l'univers
  • Là je pose le problème qui lance l'intrigue
  • Là je ne sais pas trop
  • Résolution du problème.

En un clin d'œil vous voyez que le début traîne en longueur. Deux cinquième du projet pour des présentations, c'est trop. On va s'ennuyer, on a envie de savoir rapidement dans quoi on embarque.

Vous voyez aussi tout de suite que votre idée n'est pas aussi solide que vous l'imaginiez puisque vous ne savez pas comment vous passez du problème à sa résolution.

Si vos cinq étapes ressemblent à ça, n'en faites pas un problème.

Découvrir son histoire en l'écrivant, que vous soyez du genre à planifier à l'excès ou à vous lancer dans le vide de l'impro avec un bandeau sur les yeux, c'est la règle.

Poser des mots et se rendre compte qu'il y a plein d'aspects auxquels vous n'avez pas encore pensé, ce n'est pas le signe d'un problème, c'est le processus.

Donc si vous écrivez vos cinq étapes et qu'elles ressemblent à mon exemple, ne paniquez pas, c'est simplement une indication de là où vous devez mettre votre attention pour la prochaine étape du travail.

Par exemple :

  • Comment est-ce que je peux présenter l'univers ET le protagoniste dans la même scène ? (et remonter d'un cran le reste de mon plan)
  • Comment je peux déterminer ce qu'il va se passer au milieu de mon histoire ?

C'est ce travail d'allers-retours entre le macro (votre vision globale de votre idée/histoire/envie) et le micro (un plan, une scène, un passage rédigé) qui vous permettra de réaliser votre nouvelle (c'est valable aussi pour des textes plus longs, avec quelques aspects techniques en plus).

Et ça c'est la partie que je ne peux pas systématiser du travail d'atelier : les discussions avec les auteurs pour tirer les fils de leur projet et donner une forme plus aboutie à leur histoire.

Pour certains, ce sera une question de hiérarchie des informations dans la scène, pour d'autres une question de point de vue, ça peut être la question du rythme ou celle de mieux caractériser un personnage et son paradoxe, ou de prendre le temps d'installer une ambiance.

Vous devrez faire ça par vous-même, l'analyse de votre prochaine étape de travail, mais souvenez-vous qu'en cas de doute, mieux vaut écrire et interroger le texte que de rester dans votre tête.

Et maintenant ?

Je devrais finaliser courant août une séquence de mail de 31 petits exercices pour faciliter ce passage à l'écriture, j'en parlerai ici quand elle sera prête.

Suite au stage, l'une des participantes a repéré un concours de nouvelles auquel elle a eu envie de participer. Elle a déjà écrit 1500 mots d'un texte pour ce concours. "En ne suivant aucune méthode", m'a-t-elle dit.

Il arrive qu'un concours serve d'encouragement extérieur bienvenu pour nous lancer dans une envie d'écrire.

Pourquoi n'iriez-vous pas voir les concours ouverts en ce moment (une simple recherche Google vous en donnera une liste) pour mettre à l'essai la méthode que je vous ai exposée aujourd'hui ?

N'hésitez pas à me dire comment cela s'est passé !

Dans mon prochain mail, je partagerai avec vous quelques points d'attention que je vous encourage à prendre en compte lorsque vous écrirez les scènes de votre histoire.

D'ici là, écrivez bien,

Anaël

Bonjour, je suis romancier et accoucheur d'auteurs.

J'écris pour les auteurs qui veulent construire une pratique durable et fidèle à leur vision artistique. Je partage mes outils et mes réflexions sur le métier d'auteur de fiction dans deux à quatre articles par mois. Je vous inviterai aussi régulièrement à des formations pour aller plus loin dans la construction d'une écriture qui vous ressemble.

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